Tous les enfants ont besoin de protection mais celle-ci peut prendre de multiples formes. Face à la diversité des besoins des enfants placés, la Fondation a mis en place de nouveaux dispositifs – accueil de situations complexes, placement éducatif à domicile, ACTION+. Dans l’esprit des Villages d’Enfants, ces modes d’accompagnement adaptés et innovants confortent le projet de la Fondation : proposer un accueil familial garantissant la cohérence et la stabilité du placement.
Pour grandir, s’épanouir, se projeter vers l’avenir, les enfants ont besoin d’évoluer dans un environnement bienveillant, propice à leur sécurité, leur santé, leur éducation, leur ouverture sur le monde. Protéger, assurer le bien-être et stimuler l’éveil est le rôle des parents, qui veillent à garantir les besoins fondamentaux de leurs enfants et assurent leur éducation morale, intellectuelle, ainsi que leur épanouissement physique et psychologique. Mais quand les parents ne sont pas en capacité d’exercer cette responsabilité, comment accompagner au mieux les enfants ?
Ce questionnement traverse le monde de la Protection de l’enfance et tout particulièrement la Fondation, qui a bâti et conforté son projet stratégique en prenant en compte deux notions : celle du parcours de l’enfant qui grandit dans ses établissements et celle d’accompagnements suffisamment variés pour éviter les ruptures de parcours. Le Village d’Enfants, mode d’accueil principal de la Fondation ne pouvant répondre à toutes les problématiques, ACTION ENFANCE a conçu de nouveaux dispositifs adaptés. Nous vous proposons de les découvrir ci-après, au travers du récit de situations de fratries, d’enfants ou de jeunes gens* accompagnés par la Fondation. Des dispositifs novateurs, parfaitement en phase avec le projet de la Fondation : permettre à des frères et sœurs ou à des jeunes de grandir, le plus sereinement possible, aux côtés d’une équipe éducative stable et bienveillante, soucieuse de leur épanouissement personnel et professionnel
*Pour des raisons de confidentialité, les prénoms et les âges des enfants ont été modifiés.
Johanna, Julian et Jeoffrey sont arrivés au Village d’Enfants de Pocé-sur-Cisse en août 2018. Un an plus tard, un placement éducatif à domicile (PEAD) a pu être mis en place pour cette fratrie, confiée à la Fondation pour des raisons de carences éducatives. La mère, victime de violences conjugales, avait totalement délaissé ses enfants. « Nous avons commencé à travailler avec elle dès l’installation des enfants au Village, explique Sylvie Tur, chef de service de PEAD. Avec l’appui de la psychologue du Village, nous l’avons aidée à réinvestir son rôle de mère. Nous avons ainsi pu la remobiliser sur le soin, la sécurisation, la stabilité à apporter à ses enfants. En lui rappelant qu’affection, présence maternelle et cadre éducatif sont indispensables à leur bon développement. » Forte de ce soutien, cette mère de famille a pu se défaire de l’emprise de son ex-mari, reprendre en main sa vie personnelle et professionnelle. Grâce à ce suivi intensif, le placement à domicile de la fratrie a pu être envisagé rapidement.
« Nous avions cet objectif, sans certitude de pouvoir l’atteindre. Mais la mère était prête à accepter d’être aidée. C’est ce qui a permis ce retour en famille rapide. Elle a ouvert sa porte aux éducatrices/teurs familiaux du service car la confiance s’était construite pendant l’année où ses enfants vivaient au Village. Le PEAD fonctionne si les équipes sont convaincues que le parent dispose de ses compétences parentales et que ce dernier adhère au principe de placement à domicile. » Les trois enfants ont ainsi pu retrouver leur maison avant la rentrée scolaire de 2019, sachant que les équipes éducatives de Pocé avaient veillé à ce qu’ils fréquentent le même établissement scolaire durant leur année passée au Village d’Enfants. « C’est important. Cela fait grandement partie de la stabilité du parcours », note Sylvie Tur. Malgré tout, la situation de cette famille demeure suffisamment fragile pour justifier une mesure de placement éducatif à domicile. « Le PEAD reste un placement, précise la chef de service. L’enfant, la fratrie, le jeune sont confiés à la Fondation par décision judiciaire ou administrative. Ils sont sous notre responsabilité. En cas de besoin ils peuvent retourner au Village d’Enfants pour un séjour dit “de répit”. Nous avons simplement à en informer l’Aide sociale à l’enfance (ASE). »
Dans les cas d’urgence, si l’enfant est en danger, la Fondation a la possibilité d’actionner le « repli ». En accord avec l’ASE, l’enfant est immédiatement intégré dans le Village ou le Foyer auquel il est rattaché, et l’établissement dispose de quinze jours pour prévenir le juge. « Le placement éducatif à domicile est une réelle alternative au placement en institution. Grâce à la complémentarité de ses structures, la Fondation peut proposer des modes d’accompagnement diversifiés et adaptés », souligne-t-elle.
Notre savoir-faire éducatif, nous pouvons le décliner de multiples façons, en restant fidèles à nos fondamentaux et en répondant aux attentes des Départements pour une plus grande stabilité du parcours des enfants.
Sarah a été placée en famille d’accueil dès son plus jeune âge. Confiée au Relais Jeunes Touraine d’Amboise lors du déménagement de sa famille d’accueil, elle est tombée sous l’emprise d’une relation amoureuse qui l’a conduite à faire de nombreuses fugues. Quant à Louis, 16 ans, il a été confié à la Fondation à la suite d’une requête de sa mère qui ne parvenait plus à gérer sa polytoxicomanie et ses mises en danger importantes, liées notamment à des dettes auprès de dealers. Ces deux jeunes gens, à la trajectoire et à la situation familiale bien différentes, sont accueillis depuis 2019 dans un lieu destiné à se poser, se reprendre en main et sortir avec un meilleur équilibre : la Maison du Château située à Pocé-sur-Cisse, non loin du Village d’Enfants.
Pour Sarah, l’accueil dans ce lieu sécurisant et contenant s’est vite révélé efficace. Cette jeune fille, qui a une vision très fine de son histoire et de sa situation, a eu besoin de « tester le pire », comme elle le dit elle-même. Rapidement après son installation à la Maison du Château, elle a pris conscience que cette relation amoureuse était toxique. Elle a totalement adhéré à l’accompagnement proposé par les éducatrices/teurs familiaux et se reconstruit peu à peu. « Elle a repris contact avec sa famille d’accueil à qui elle a rendu visite à Noël ainsi qu’avec sa grand-mère paternelle. En parallèle, elle a saisi la Commission d’examen des situations et des statuts des enfants confiés, afin d’obtenir le délaissement d’autorité parentale maternelle et une délégation d’autorité parentale paternelle. Elle construit son projet professionnel autour de l’accompagnement de la personne. » Toute l’équipe la soutient dans ses différentes démarches avec l’appui de la psychologue du service, comme pour Louis.
La Maison du Château est également ouverte à des jeunes du Département d’Indre-et-Loire qui n’étaient pas préalablement accompagnés par la Fondation, tel Louis, dont c’est le premier placement. « Avec Louis, un garçon bien élevé et intelligent, notre travail va consister à lui faire prendre pleinement conscience de sa toxicomanie et de la dangerosité des situations dans lesquelles il se met. Nous allons aussi accompagner sa mère : l’aider à dire non à son fils, sans sentiment de culpabilité, et à sortir de la relation financière malsaine qui s’est instaurée car, en voulant le protéger, elle finançait ses addictions », explique Aurélie Fisseau, chef de service de la Maison du Château. Toute la difficulté dans ce cas est d’obtenir l’adhésion réelle du jeune homme. Mais une vraie collaboration avec sa mère et ses grands-parents ainsi qu’un travail pour impliquer son père devraient permettre à Louis de retrouver sa maison, dans le cadre sécurisé d’un placement éducatif à domicile, d’ici à quelques mois.
D’abord, l’apaisement. La maison est rassurante, l’équipe pluridisciplinaire est formée pour gérer les situations complexes. Ensuite, la remobilisation du jeune, autour de nouveaux repères, de sa (re)construction personnelle ou de la reprise d’un projet scolaire ou professionnel, mais aussi la remobilisation des parents souvent dépassés par les comportements excessifs de leur enfant. Enfin, la sécurisation de la sortie de ce lieu temporaire, sortie qui se veut durable, soit au sein d’un Village ou d’un Foyer de la Fondation, soit dans le cadre d’un retour en famille.
La Maison du Château est agréée pour cinq enfants ou adolescents encadrés par cinq éducateurs familiaux, avec le soutien d’un maître de maison. Depuis leur arrivée à la rentrée 2019, les jeunes ont cessé leurs fugues et mises en danger. Toutefois, la durée initiale de six mois de cet accompagnement s’est vite révélée insuffisante pour obtenir une véritable stabilisation de la situation, et des mesures de prolongation d’accueil ont pu être prononcées.
Théo n’a jamais vécu avec sa mère et ne connaît pas son père. Lorsqu’il est arrivé au Village d’Enfants d’Amilly, il était déjà placé depuis plusieurs années. « Il avait 12 ans. Il ruait dans les brancards, mettait sa scolarité en échec, créait beaucoup de tensions entre les adultes. Nous avons tenu le cap », témoigne Sandra Macé, directrice du Village. À l’âge de 15 ans, à l’occasion d’une audience chez le juge, Théo a précisé qu’il était conscient qu’il ne pourrait jamais vivre chez sa mère et qu’il souhaitait que son accueil se poursuive au Village d’Enfants. « Peu de jeunes, même s’ils le savent au fond d’eux mêmes, sont capables de formuler cela. Il en a eu le courage, et cela a été entendu, ce qui permet de lui garantir une stabilité jusqu’à sa majorité », confie Sandra Macé.
Après quatre ans dans une maison du Village d’Enfants d’Amilly, Théo a rejoint le service d’apprentissage à l’autonomie de l’établissement. Il prépare un CAP de mécanique et n’entend pas, après ses 18 ans, se rapprocher de sa mère installée à l’autre bout du Département. Son avenir, il le voit ici, près de Montargis où il a ses repères, ses amis, son apprentissage, ses ancrages. Tout l’enjeu consiste maintenant à préparer l’après placement, avec Noémie, la référente ACTION+, le dispositif d’accompagnement des jeunes majeurs qui ont grandi dans des établissements de la Fondation. « Il ne s’agit pas seulement de trouver un logement : la Fondation l’aidera car il se retrouve sans soutien familial. Nous savons que le passage à la majorité est un moment critique, où ces jeunes gens, qui ont de fortes carences affectives, sont extrêmement fragiles. Ce n’est pas seulement le dossier de Théo que nous transmettons à Noémie, c’est son histoire, ses anecdotes de vie, ce que nous savons de lui, sa manière d’agir et de réagir, la compréhension que nous avons de ses demandes et de ses émotions… C’est essentiel pour le préparer au mieux à la vie autonome qui l’attend », poursuit-elle. Pour pérenniser ce lien, alors qu’il doit quitter l’établissement à la veille de la prochaine rentrée scolaire, Théo et Noémie ont commencé à apprendre à se connaître. La continuité est assurée.
Il y a des périodes clés où ces enfants, qui ont subi de graves traumatismes familiaux, sont extrêmement fragiles. À 18 ans, particulièrement.
Retrouvez l’article complet dans notre magazine Grandir Ensemble n°105, p.4