Ethan avait 18 mois lorsqu’il est arrivé dans sa famille d’accueil rattachée au Village d’Enfants et d’Adolescents de Clairefontaine. Il aura fallu plus de six mois, de patience, d’attention et de stratégie de la part de Béatrice Benia, son assistante familiale, pour que cette boule d’énergie commence à trouver des repères et s’apaise.
« Lorsqu’Ethan est arrivé, il manquait totalement de repères », se souvient Béatrice Benia. Il ne savait pas marcher : il ne faisait que courir. Il se cognait partout parce qu’il fonçait sans chercher à éviter l’obstacle. Il ne supportait pas qu’on le prenne dans les bras. Il ne s’exprimait que par la violence. J’étais très désemparée. En vingt années de métier, je n’avais jamais connu une telle situation. » Il refusait de faire la sieste, sautant dans son lit et criant. La nuit, il cognait contre les barreaux de son petit lit. Il frappait l’autre petite fille accueillie avec lui, attrapait et jetait tous les objets qui lui passaient entre les mains…
Impossible de le laisser cinq minutes pour s’occuper de l’autre enfant. « J’étais contrainte de le mettre dans son parc pour éviter qu’il ne tape et ne se blesse ou ne blesse d’autres enfants. Cela ne m’allait pas, j’avais l’impression de le maltraiter. J’ai cru que j’allais abandonner ! »
Les enfants ont besoin qu’on les sécurise.
Troisième enfant d’une fratrie de cinq dont tous les membres sont placés dans des familles d’accueil, Ethan a vécu dans un climat de violence familiale, entre cris et coups, prostitution et proxénétisme. Sans aucun cadre, sans repères, sans tendresse. « Les enfants ont besoin qu’on les porte dans les bras, qu’on les sécurise. On voyait bien qu’Ethan n’avait jamais connu cela. » D’expérience, Béatrice Benia sait que lorsque des étapes ont été négligées dans le processus de développement d’un tout-petit, cela ne fonctionne pas. Ethan, par exemple, mangeait déjà tout seul. « J’ai voulu faire marche arrière, lui offrir cette attention. Il a d’abord refusé, jusqu’à ce qu’il voie que je donnais à manger à la petite fille qui avait quatre mois de plus que lui. Il a fini par se laisser faire. Au bout de quelques semaines, il a repris sa cuillère et s’est à nouveau nourri seul, mais au moins il était passé par cette étape. »
Petit à petit, à force de paroles, de petits gestes et de persévérance, Ethan a commencé à s’apaiser. Il est maintenant possible de le prendre sur les genoux. Il accepte les baisers et les câlins. Il dort mieux, frappe moins… À la crèche, où il va depuis septembre dernier, les éducatrices ont commencé à noter ses progrès.
La mère, qui dispose d’un droit de visite et d’hébergement, s’en rend également compte : « Il y a peu, elle m’a dit qu’Ethan avait été le plus sage du week-end. C’est incroyable, car c’était sans aucun doute le plus dur de la fratrie », se réjouit Béatrice Benia. Tout n’est pas encore totalement stabilisé, Ethan reste sujet à des accès de violence, mais cela n’est en rien comparable aux premiers mois. « Si le placement était prolongé, je le garderais sans hésiter ! », conclut l’assistante maternelle.
Le Village d’Enfants et d’Adolescents de Clairefontaine peut compter sur ses neuf familles d’accueil pour offrir aux enfants le mode d’accueil qui leur convient le mieux. Valérie Diaz, chef de service, en explique l’intérêt : « Les familles d’accueil apportent une pluralité et une grande souplesse dans les modes de prise en charge. Je pense à une fratrie de sept enfants. Au départ, les deux plus petits ont été confiés à des familles d’accueil et les plus grands étaient au Village. Au bout de quelques mois, le petit garçon, qui passait tous ses week-ends au Village, a souhaité rejoindre ses frères et sœurs, tandis que l’aînée a demandé à être accueillie dans la famille d’accueil de sa petite sœur. Chacun a ainsi pu trouver son équilibre. »
Intégrées au fonctionnement du Village, les assistantes familiales ne sont pas seules face aux éventuelles difficultés qu’elles rencontrent avec les enfants. Elles reçoivent la visite du service d’accueil familial de Clairefontaine à leur domicile, se réunissent une fois par mois avec l’éducatrice du service ainsi que la psychologue et bénéficient d’une séance d’analyse des pratiques mensuelle. Éducateurs et chefs de service participent également, de concert avec l’assistante familiale, à la préparation du projet personnalisé de l’enfant.