Pour grandir, se construire en tant que personne et s’ouvrir au monde, chaque enfant doit pouvoir s’appuyer sur une base de sécurité interne suffisante. Elle lui permettra d’explorer et d’acquérir des capacités physiques, psychologiques, d’apprentissage, d’estime de soi, de réalisation de soi et de relations aux autres, favorables à son autonomie et à sa socialisation. « Un enfant ne peut explorer que s’il se sent sécurisé », résume Boris Cyrulnik, éthnologue et neuropsychiatre, directeur d’études du diplôme universitaire d’éthologie humaine de l’université de Toulon.
Le besoin de sécurité est multiple. Il se joue dans les dimensions affectives, psychiques, physiologiques, sanitaires. Il exclut toute violence, qu’elle soit physique ou psychologique. Relié à une figure d’attachement fiable – c’est-à-dire disponible et cohérente – le besoin de sécurité est considéré comme un méta-besoin, plus profond, plus grand et préalable à tout autre. C’est un prérequis au développement de l’enfant. « Si ce méta-besoin n’est pas satisfait, l’enfant sera monopolisé émotionnellement par l’insécurité dans laquelle il se trouve. Cela l’empêchera de tirer profit de la satisfaction de ses autres besoins », complète Nadège Séverac, chercheuse associée au Centre de recherche sur les liens sociaux (Université de Paris Descartes) et conseillère scientifique dans la démarche de consensus.
Une fois le méta-besoin de sécurité assuré, quatre besoins fondamentaux à caractère universel doivent être satisfaits. Ils font consensus en Protection de l’enfance.
Pour construire sa personnalité, l’enfant doit pouvoir connaître les différentes composantes de son identité. C’est une étape nécessaire pour s’inscrire dans une filiation familiale, dans une lignée de génération et dans la société.
Il s’agit de veiller à ce que l’enfant ait suffisamment d’opportunités pour comprendre et participer à son environnement, expérimenter la prise de risques et se découvrir des intérêts, des goûts, développer ses compétences et ses talents.
En jeu, l’intériorisation par l’enfant d’un ensemble de codes et de valeurs sociales qui lui permettra de s’adapter et de s’insérer dans la société. Ce besoin de cadre intervient également dans la capacité de l’enfant à se réguler sur le plan émotionnel et comportemental. Le cadre est un élément contenant, rassurant ; il évite à l’enfant d’être envahi par ses émotions, tout en lui permettant de les reconnaître et de les exprimer.
Fort d’une image positive de soi, l’enfant peut se faire confiance, et ainsi affirmer des préférences, des choix. En posant sur l’enfant un regard bienveillant qui encourage l’exploration, la figure d’attachement joue un rôle fondamental dans cette capacité à prendre confiance en soi. Avec l’âge, cette estime de soi autorise à projeter une trajectoire de vie, à s’ouvrir aux autres sur des bases saines, à construire des relations stables et à prendre soin de soi. Le besoin d’estime de soi, qui est lié au besoin d’accomplissement de soi, n’est donc pas à négliger pour satisfaire les besoins fondamentaux de l’enfant, il fait partie des besoins qui sont au sommet de la pyramide des besoins.
Les neurosciences rendent observables les altérations biologiques et les malformations du cerveau provoquées par la privation sensorielle. Ces observations sont d’un apport considérable pour mieux comprendre pourquoi la satisfaction de ces besoins fondamentaux est une priorité absolue pour le développement harmonieux de l’enfant. Jugez plutôt. Le cerveau de l’adulte possède le triple de connexions du réseau Internet mondial. Celui d’un petit enfant en possède dix fois plus, ce qui représente 1 million de milliards de connexions synaptiques. C’est en étant en connexion avec le monde que le petit enfant peut créer ce foisonnement de connexions neuronales. En grandissant, les connexions les moins utilisées vont progressivement s’éliminer au profit des connexions des expériences les plus fréquentes… Ce sont donc ces dernières, et pas forcément celles liées aux meilleures expériences, qui se renforcent. L’importance cruciale des interactions dans la construction des connexions neuronales signifie qu’un manque relationnel, d’étayage et d’exploration dans la petite enfance affame le cerveau et freine, voire empêche la construction de l’intelligence. L’exposition à des interactions non sereines, au stress, en particulier généré par la violence, entraîne quant à lui un développement neuronal inadapté.
Les neurosciences ont montré que ce qui importe le plus dans le développement harmonieux au cours de la petite enfance, ce sont des relations porteuses, bienveillantes et sécurisantes. Sans cela, il sera beaucoup plus difficile de devenir un être humain accompli.
« Le seul besoin de l’enfant, c’est de vivre dans des conditions physiologiques et affectives suffisamment bonnes pour n’avoir à gérer que les stress ordinaires de la vie. Malheureusement quand l’agression et/ou le stress durent plusieurs années, ce sont tous les étages du développement qui sont impactés les uns après les autres, d’où un cumul de handicaps et de troubles psychiatriques », signale Daniel Rousseau sur les besoins de l’enfant, pédopsychiatre praticien dans le Service universitaire de pédopsychiatrie d’Anger
L’enjeu de la démarche de consensus a été de prioriser les besoins fondamentaux de l’enfant, en tout lieu et tout temps, puisque l’on sait que cela engage non seulement son présent mais aussi son avenir. Répondre aux besoins fondamentaux d’un enfant est primordial pour son bien être et sa construction sur le long terme. Il est important de les identifier et de hiérarchiser les besoins (besoin d’amour, besoin de réalisation, besoin de sécurité, besoin de considération, besoin d’appartenance, besoin de compréhension, besoin de réussite…) pour l’épanouissement de l’enfant. Ce consensus offre une grille de lecture transversale de la prévention la plus basique à la protection la plus soutenue en situation de placement. La démarche de consensus sur les besoins fondamentaux de l’enfant en protection de l’enfance – Rapport remis par le Dr Marie-Paule Martin-Blachais à Laurence Rossignol, ministre des Familles, de l’Enfance et des Droits des Femmes – février 2017.