Aujourd’hui âgée de 36 ans, Adel a vécu l’enfer. Maltraitée par une mère violente, elle a été prise en charge par l’Aide sociale à l’enfance. Mariée et mère de deux enfants, elle veut témoigner que les preuves de la vie sont des « cadeaux mal emballés ».
Adel arrive à ACTION ENFANCE l’année de ses 14 ans. « La Fondation, c’est le seul endroit où je me suis sentie chez moi », dit la jeune femme qui y est restée jusqu’à ses 18 ans et a obtenu un diplôme de coiffure. Elle bénéficie ensuite d’un contrat jeune majeur, période durant laquelle elle subit un premier viol. À 21 ans, elle est à la rue. Pendant près de cinq ans, elle travaille en intérim pour des missions de coiffure et en tant qu’animatrice dans des colonies de vacances.
Jusqu’à ce que sa tante décide de la remettre à la rue. Dans sa tête, un seul motto : ne jamais arrêter de travailler pour échapper quelque peu à son quotidien difficile et instable. Adel supporte la maltraitance familiale pendant plusieurs années, puis préfère affronter l’inconnu. « Je me surnommais “la femme aux valises”, car je devais toujours trouver une solution pour les faire garder dans la journée. Il m’est arrivé de les laisser dans des taxiphones les matins et de les récupérer le soir. » Cette errance durera environ cinq ans, période au cours de laquelle la jeune femme subira un deuxième viol.
Derrière sa joie de vivre, Adel porte une douleur que les mauvaises et les bonnes âmes repèrent de loin. « Nous cohabitons avec notre enfant intérieur. Si l’un souffre, l’autre en pâtit. Les dégâts peuvent être conséquents sur notre avenir, car si notre être est à terre, l’esprit devient la marionnette de nos propres souffrances et nos peurs les plus enfouies peuvent nous briser ». En 2012, engagée comme bénévole au sein d’une association, Adel apprend l’existence du Service de Suite d’ACTION ENFANCE. Grâce à la Fondation, et tout particulièrement à Étienne Lucas qui animait ce dispositif, elle obtient un financement pour préparer un BPJEPS Animation sociale. Durant cette année de formation, Adel se retrouve de nouveau à la rue. ACTION+ intervient pour la mettre en sécurité dans un hôtel en participant aux frais durant plus d’un an. « Sans ce soutien d’ACTION+, je serais redevenue la femme aux valises ! » Après l’obtention de son diplôme, elle est engagée dans une mairie en tant que responsable de site périscolaire, puis se voit confi er une mission visant à favoriser la citoyenneté des enfants. La mairie apprenant fortuitement la fragilité de sa situation lui obtient son premier logement. « 25 ans, j’avais une situation stable, mais j’étais toujours en conflit intérieur. Étienne m’a proposé une thérapie à titre gratuit par M. Martins, un psychologue de la Fondation à la retraite. » Ce suivi va durer trois ans. En parallèle, ses missions professionnelles évoluent vers la coordination de projets et d’actions autour de la culture de la paix. Adel va devenir une vraie figure pour les enfants et les jeunes durant six ans.
« Humainement et professionnellement, Étienne m’a tenu la main au moment où j’en avais le plus besoin. Il m’a accompagnée, guidée, soutenue, écoutée, rassurée. Il a assisté à mes accomplissements (diplôme, toit, travail, papiers d’identité, permis de conduire, mariage, naissance de mes enfants). Mon parcours a été rude, douloureux et semé d’embûches. Je l’ai longtemps porté honteusement – à tort – avant de me rendre compte que c’est un outil formidable dont je dispose pour guider les jeunes. Il faut savoir que la plupart des personnes vivant en grande précarité sont issues de la Protection de l’enfance », conclut Adel.