Pour ACTION ENFANCE, cela ne fait aucun doute, l’investissement employé sur le long terme pour accompagner les enfants placés sous sa protection doit être mis en regard des effets produits. C’est tout le sens de la démarche de mesure d’impact social engagée en 2021 au prisme de deux projets phares de la Fondation : “ACTION ENFANCE fait son cinéma” et ACTION+.
Au cours des dernières années, la Fondation a élaboré et mis en œuvre des projets éducatifs structurants, avec la conviction qu’ils étayaient sa mission : accueillir, protéger et éduquer des frères et sœurs en danger. Mais comment être certain que ces initiatives, ces solutions, ces dispositifs sont pertinents, efficaces, efficients, et que notre action éducative produit réellement les effets escomptés sur le long terme ? “On ne peut pas se contenter d’incantations, s’autoconvaincre des bénéfices. Nous devons prouver les effets de nos actions et de notre activité sur les enfants, mais aussi sur nos collaborateurs, les territoires, l’environnement“, affirme François Vacherat, directeur général d’ACTION ENFANCE.
L’idée novatrice de déployer une démarche de mesure d’impact social a donc fait son chemin au sein de la Fondation. Mais qu’entend-on par impact social ? Selon une définition largement partagée, c’est “l’ensemble des changements positifs ou négatifs, attendus ou inattendus, engendrés par l’activité d’une organisation sur ses différentes parties prenantes, internes et externes, et sur la société en général. Ces impacts peuvent être de nature environnementale, économique ou sociale.” Ce que Maryse Péricat, directrice de la mission Impact social et environnemental à la Fondation résume ainsi : “Pour nous, se poser la question de l’impact social, c’est se demander : ce projet, cette action change quoi ? Et pour qui ?”
L’intention première de la mesure d’impact social est d’évaluer les effets de l’accompagnement prodigué par ACTION ENFANCE. Elle a une double visée : comprendre en quoi l’accueil de type familial et l’accueil en fratrie apportent une valeur ajoutée aux enfants et aux jeunes, et identifier comment améliorer cet accompagnement. “Dans un contexte financier contraint, nous voulons montrer que notre action ne se réduit pas à une charge financière pour la collectivité, mais bien qu’elle représente une valeur ajoutée dans le parcours de vie des enfants“, insiste Maryse Péricat.
Lancée en 2021, la démarche s’est construite par approches successives. “Nous avons mobilisé les représentants de toutes les directions du siège et des directions de Villages d’Enfants et d’Adolescents au sein d’un comité de pilotage. Leur feuille de route : appréhender le sujet, s’informer sur la démarche, les méthodologies, les retours d’expérience. Aucun de nous n’avait d’expérience dans ce domaine“, poursuit Maryse Péricat. Chacun a identifié des champs d’action sur l’environnement, le capital social, ACTION+, l’ouverture d’un nouveau dispositif. Plusieurs méthodes ont été expérimentées, souvent trop complexes, inadaptées, chronophages, ou au contraire trop simplistes… Et vite abandonnées.
À l’occasion de ce défrichage, ACTION ENFANCE découvre le processus de la “théorie du changement” qui permet de poser des questions utiles pour cadrer la démarche de mesure d’impact social et/ou environnemental : à quel besoin répond le projet et à qui sert-il ? En quoi est-il différent ? Comment l’améliorer ? Au fil de ses recherches, les participants croisent le cabinet spécialisé Kimso, avec qui ils construisent une approche très pragmatique basée sur la sensibilisation, l’acculturation et l’expérimentation, selon la méthode des petits pas ou du “test and learn”(1).
En matière d’évaluation, il faut bien différencier performance et impact. Un reporting évalue ce qui est fait, quels moyens sont mis en œuvre et selon quel agenda, alors qu’une mesure d’impact caractérise les effets produits et les changements que l’action ou le projet a engendrés.
“Il s’agissait d’abord de fixer les objectifs précis de ce que l’on souhaitait mesurer à court, moyen ou long terme, du questionnement que l’on allait suivre, des ressources que l’on pourrait exploiter, des parties prenantes que l’on allait impliquer, explique Benoit Reveillon, responsable Partenariats de la Fondation qui a piloté la mesure d’impact social d’ “ACTION ENFANCE fait son cinéma”. En l’occurrence, nous avons voulu mesurer en quoi un tel projet pouvait avoir un impact sur l’estime de soi des enfants, s’il les amenait à rêver ou à se créer des souvenirs. Et nous avons concentré l’exploration sur les bénéficiaires du projet, les enfants qui sont notre raison d’être.”
Une enquête quantitative auprès des enfants ayant participé à l’une ou plusieurs des cinq premières saisons d’ “ACTION ENFANCE fait son cinéma”, doublée par des entretiens qualitatifs auprès des enfants et d’éducateurs référents, a été menée au printemps 2023. Beaucoup de plaisir, de fierté, de confiance en soi jaillissent de cette aventure cinématographique. Mais l’évaluation met aussi au jour quelques frustrations. Par exemple, 24% des enfants qui ont “fait leur cinéma” ne sont jamais allés à la soirée de remise des Prix au Grand Rex, à Paris. Pour la plupart, le tournage est une grande joie, mais pour certains, se voir à l’écran n’est pas évident.
“Cette évaluation d’impact permet de nous positionner, au-delà de l’intuition, sur des éléments factuels, mesurables et mesurés. Elle est riche d’enseignements. Elle nous confirme que c’est un très beau projet, utile pour les enfants, pour les équipes éducatives et donc pour la Fondation. Elle fait également émerger des points inattendus, des questionnements et des pistes d’amélioration“, note-t-il.
La seconde expérimentation concerne ACTION+, le dispositif d’après placement de la Fondation, dont la mission est d’accompagner tout adulte ayant été accueilli dans ses Villages et qui souhaite un soutien. “Certains sujets sont assez factuels, d’autres plus délicats à aborder comme la santé mentale, l’hygiène ou encore la capacité réelle du jeune adulte à être acteur de sa vie“, explique Eugénie Seguin, référente ACTION+ dans la Meuse. Dans le cadre de la mesure d’impact social d’ACTION+, un outil d’évaluation a été élaboré par la Direction innovation appui, qualité (DIAQ) de la Fondation et le cabinet Kimso, avec l’appui de quelques jeunes garçons et filles, motivés par l’expérience.
“Tout l’intérêt réside dans le fait que les jeunes majeurs s’autoévaluent sur plusieurs dimensions – conditions matérielles de vie, santé physique et mentale, connaissance de soi et de ses émotions, confiance en soi et estime de soi, relation aux autres, hygiène corporelle, alimentaire et domestique. Le questionnaire permet de poser l’état de la situation, à l’instant T et de revenir sur ces mêmes questions trois à six mois plus tard“, poursuit-elle.
Le référent ACTION+ procède également à son évaluation dans le même temps. C’est l’analyse des éventuels écarts de perception qui engage à des échanges sincères et authentiques. Les réponses sont ensuite traitées sous forme de graphiques, permettant de visualiser les évolutions. “Il est plus facile d’aborder ces différents sujets en ayant pour support cet outil d’auto-évaluation, qui amène à avoir un regard factuel“, assure la référente ACTION+ qui espère que les constats réalisés à travers cet outil par les jeunes majeurs issus de la Protection de l’enfance permettront aussi d’améliorer l’accompagnement des enfants et des jeunes accueillis dans les Villages ACTION ENFANCE.
“Mesurer l’impact de nos actions, c’est aussi prendre le risque de découvrir que nous avons des choses à améliorer dans notre fonctionnement, dans notre perception. C’est très intéressant ! En cela, la mesure d’impact social est un véritable projet de conduite du changement“, souligne François Vacherat.
Nous avons une responsabilité sur le long terme auprès des enfants que nous accueillons et une obligation morale de montrer à ceux qui nous financent – Départements, donateurs, partenaires – les résultats de notre action. C’est tout l’enjeu de cette démarche d’évaluation de notre impact social.
Prudente, la Fondation a d’abord fait le choix d’une approche expérientielle sur deux actions. La phase d’acculturation et d’expérimentation ayant été concluante, ACTION ENFANCE a pris la décision de décliner la mesure d’impact social à l’ensemble de son Projet. “Pour aller plus loin dans cette démarche, comprendre et savoir en quoi le mode d’accueil qui nous caractérise constitue une valeur ajoutée dans le parcours des enfants, nous devons nous recentrer sur le cœur de notre action, dans les maisons, avec les enfants placés. Nous devons interroger en profondeur notre Projet”, poursuit le directeur général.
En lien avec l’inscription de cette démarche dans le nouveau plan stratégique 2024-2028, une direction de la mesure d’impact social, managérial et environnemental a été créée au sein de la Fondation. Elle aura notamment pour mission d’explorer l’impact de ses activités sur le parcours des enfants, la possibilité de recueillir leur parole, l’évaluation de leur trajectoire au sein d’ACTION ENFANCE. Plus globalement, elle s’attachera aussi à mesurer l’impact sur les pratiques managériales et professionnelles des collaborateurs ainsi que l’impact environnemental et territorial de ces actions.
“Il n’existe aujourd’hui aucune obligation pour notre Fondation de réaliser une mesure d’impact social de ses activités. Mais je suis convaincu que d’ici quelques années, les Départements qui nous financent, comme nos donateurs et partenaires, auront des exigences dans ce domaine“, insiste François Vacherat. Derrière cette démarche, la Fondation poursuit une seule ambition : construire des relations de confiance pérennes avec ses financeurs pour continuer à avoir un impact positif sur les parcours des enfants qu’elle accompagne.
(1) test and learn : expérimenter et apprendre