Ils sont cinq enfants âgés de 9 à 18 ans et forment une fratrie très unie. Éloignés de leur mère qui a déménagé en région parisienne alors qu’ils sont accueillis dans la Vienne, ils souhaitaient ardemment qu’elle les reçoive chez elle. Un voyage organisé par leurs éducatrices leur a fait prendre conscience de la réalité.
Lorsque cette fratrie a été accueillie au Village d’Enfants et d’Adolescents de Monts-sur-Guesnes, en 2016, les parents, divorcés, habitaient à Saumur, à moins d’une heure du Village. Des droits de visite permettaient aux enfants de voir alternativement leurs deux parents. Au fil des ans, la situation a évolué. Leur père a perdu ses droits de visite ; les enfants ne l’ont pas vu depuis cinq ans. Leur mère, en revanche, a toujours été présente et a continué à se mobiliser pour partager des moments avec eux. Et ce, même après son déménagement en région parisienne. « Elle vient en train régulièrement et n’a que très rarement annulé ses visites », témoigne Corinne Deschereux, éducatrice familiale au Village d’Enfants et d’Adolescents de Monts-sur-Guesnes. Lors de ces visites, elle voit ses enfants individuellement. Ces temps individuels sont adaptés pour cette mère aimante, qui a du mal à gérer plusieurs enfants en même temps, notamment les plus jeunes. À leur demande, elle partage néanmoins des moments avec l’ensemble de la fratrie pendant les vacances scolaires. « C’est une fratrie très soudée, qui tient à se voir tous ensemble avec leur mère. »
Notre intention, en les emmenant chez leur mère, était de leur faire prendre conscience qu’un
retour à domicile serait compliqué
Dans la tête des enfants, très attachés à leur mère, son installation en région parisienne après son remariage devait permettre d’envisager qu’elle les accueille chez elle. « Ils en manifestaient un fort désir. Ils idéalisaient la possibilité d’un retour en famille. De notre côté, connaissant la configuration de l’appartement doté d’une seule chambre, nous savions bien que ce n’était pas envisageable, que ce n’était pas le projet de leur mère. » L’idée germe alors d’organiser une visite au domicile de leur mère. « Ils ont pu voir le logement et se sont vite rendu compte que c’était petit, que ce n’était pas prévu pour eux. » Tous – sauf l’aîné, porteur d’une déficience intellectuelle – ont pris conscience qu’il serait difficile de retourner vivre chez leur mère. Pour autant, ils conservent l’envie de passer du temps avec elle.
Cette démarche a eu une forte valeur éducative dans le sens où elle a permis aux enfants de prendre conscience de la réalité, de faire la part des choses entre l’attachement qu’ils partagent avec leur mère et sa capacité à les prendre en charge au quotidien. Ils ont ainsi la possibilité d’avancer, sans illusions. « Ils ont entre eux des liens très forts, qui parfois les agacent mais qui les renforcent ! Ils aiment vivre ensemble au Village. Cela leur apprend qu’ils peuvent compter les uns sur les autres. » Quand l’aînée des filles est partie à Poitiers, dans la maison d’adolescents du Village, les plus jeunes se sont inquiétés de voir les liens se distendre. Les équipes éducatives veillent à ce que ces liens si bénéfiques perdurent. La seconde fille veut construire sa vie et se projette sur un contrat jeune majeur mais souhaite rester au Village et ne s’imagine pas vivre avec sa mère. Quant aux deux derniers, encore jeunes, il leur faudra un peu de temps pour admettre que le placement va durer et que les rencontres avec leur mère resteront épisodiques.