Reprendre confiance, pas à pas

Lorsqu’elle quitte la maison ACTION ENFANCE de Poitiers à ses 18 ans, Sarah n’est pas au bout de ses peines. Et quand le drame d’un enlèvement s’ajoute à la douleur du placement, le traumatisme est compliqué à surmonter. Avec l’aide de sa référente ACTION+ et de l’accompagnement psychologique et thérapeutique mis en place, elle reprend progressivement confiance.

Pour Sarah, la décision de placement prise par le juge et son exécution le 1er janvier 2018 restent un moment douloureux. « Nous avons été emmenées avec ma petite sœur et ma mère au commissariat. Pas même le temps d’un au revoir et nous étions envoyées dans un foyer d’urgence. Ma mère alcoolique ne s’occupait pas de nous, et j’avais parlé longuement avec l’assistante sociale de mon collège de ce qui se passait à la maison », raconte-t-elle avec une pointe d’émotion, car Sarah était très attachée à sa mère.
« J’ai eu le tort de parler avec mon père lors d’une audience chez le juge. Depuis, elle ne m’adresse plus un mot, plus un regard. » Après une année en foyer d’urgence de l’Institut départemental pour la protection de l’enfance et de l’accompagnement des familles, Sarah a été accueillie au Village d’Enfants et d’Adolescents de Monts-sur-Guesnes, dans la Vienne. Elle avait alors 14 ans et ressentait de vifs sentiments de colère et de tristesse. « Je me suis sentie pas mal responsable du placement, vis-à-vis
de ma sœur et des animaux qui étaient restés à la maison et que ma mère délaissait
», confie-t-elle. Ses relations avec les équipes éducatives sont souvent tendues. Sa scolarité est émaillée de nombreux changements d’établissements. En plein confinement, elle obtient son brevet des collèges… de justesse mais elle l’obtient ! Par la suite, les différentes tentatives de formation n’aboutissent pas sur des projets concrets, malgré sa volonté de travailler, les dizaines de CV déposés et un réel courage.

Un traumatisme à vif

À ce tableau déjà fragile est venu s’ajouter un enlèvement avec séquestration par un homme qu’elle connaissait. « Depuis cet événement, je suis devenue très suspicieuse. Je ne sors jamais sans deux téléphones, deux batteries, un spray au poivre ! De temps en temps, j’arrive à faire abstraction de ce que j’ai vécu, mais c’est encore à vif. » Malgré cette perte de confiance en elle, dans les autres et dans la vie, Sarah a su s’ouvrir à Laurence Baucher, référente ACTION+, vers qui Firmin Ossobé, son ancien éducateur à Poitiers, l’avait orientée. « Avec Laurence, nous avons commencé à faire du chemin. Elle m’a appris comment remplir tout un tas de papiers administratifs. Ensemble, nous avons refait mon CV pour que mon instabilité n’apparaisse pas trop. » En décembre 2024, Sarah était très fière d’avoir décroché son premier CDI à temps partiel, et les trois heures de bus aller-retour ne l’avaient pas rebutée. Hélas, sa période d’essai n’a pas été renouvelée. Pour aider Sarah à surmonter son traumatisme psychologique, Laurence Baucher lui a conseillé des séances d’équithérapie. « Mes problèmes sont toujours présents dans ma tête, mais je me sens un peu plus apaisée. Mon compagnon est là pour me soutenir. J’ai enfin un peu de chance ! »

« Avoir réussi à conserver un travail pendant un mois est, pour Sarah, un immense succès »

Laurence BAUCHER Référente ACTION+ de la Vienne et de la Gironde

« Quand j’ai rencontré Sarah, elle voulait absolument trouver un travail. Je l’ai aidée à plusieurs reprises parce qu’elle ne tenait souvent pas plus d’une journée dans son poste. Tellement d’angoisse ! Selon la mission locale, elle mettait tout en échec. Un psychiatre avait estimé qu’elle ne pourrait sans doute jamais travailler. Son traumatisme a été confirmé par le CHU de Poitiers. Il n’est pas improbable que nous fassions une demande MDPH(2), et elle l’accepte. Dans ces conditions, avoir réussi à conserver un travail pendant un mois est, pour elle, un immense succès. Sarah ne voulait pas non plus entendre parler de thérapie. Petit à petit, elle accepte de se faire aider par un infirmier psychiatrique et une psychothérapeute. Les séances d’équithérapie lui sont bénéfiques. Elle est très attachée au cheval. Sarah progresse de jour en jour. Le chemin est encore
long, mais elle regagne progressivement confiance en elle et dans la vie. »

Par souci de confidentialité, le prénom et la photo de la jeune femme ont été changés.