Retrouver la joie de vivre ensemble

Après quelques mois passés au Village, la parole se libère au sein de cette fratrie qui a un fort vécu traumatique. Des révélations qui peuvent être difficiles à accueillir pour les éducatrices familiales qui doivent, par ailleurs, gérer le quotidien d’une maison avec d’importants écarts d’âge.

C’est une fratrie de cinq, quatre filles et un garçon, que le Village d’Enfants et d’Adolescents accueille depuis août 2024. Kayla, 11 ans, Kenza, 9 ans, Hanna, 6 ans, Toma, 4 ans et Gloria, 2 ans et demi, étaient jusque-là placés dans trois structures différentes. Être réunis au sein d’un Village, dans une même maisonnée, a été pour eux une grande source de joie. « Les aînées étaient très inquiètes du sort des plus jeunes. Les retrouvailles ont été très chaleureuses », assure Solène, la chef de service du Village. Par la suite, à mesure qu’ils se sentent mieux dans ce nouvel environnement, les caractères se révèlent, les différences de traitement percent à jour. « C’est une fratrie qui a subi de grands traumatismes, mais ils n’ont pas le même vécu. Chacun avait une relation différente avec sa mère », souligne Solène.

Des écarts d’âge qui bousculent l’organisation

L’accueil des tout-petits a nécessité l’achat de mobilier de premier âge, de matériels de puériculture et de jeux et jouets d’éveil. Le rythme de vie de la maison a été adapté à leur présence. Il a fallu se requestionner sur les bases de l’alimentation d’un enfant de deux ans. Les règles concernant les écrans ont été revues pour préserver les petits. Quelles que soient ces adaptations et l’attention portée aux tout-petits, il est essentiel de rester autant présent auprès des autres enfants.

D’abord les aider à se poser

Les deux aînées ont des stigmates physiques et psychologiques des violences qu’elles ont subies. Kayla, très « adulte », est calme et réservée. Kenza est en proie à des crises très violentes qui se déclenchent à la moindre frustration. Des ateliers de cirque thérapeutique, individualisés, leur permettent d’exister en dehors de leurs frères et sœurs. « Elles commencent à s’ouvrir. Nous observons des évolutions très positives », note la chef de service. Au milieu de la fratrie, Hanna, très effacée, a du mal à trouver la bonne place entre les aînés et les plus jeunes. Du côté des petits, les effets du placement divergent. Toma, le garçon qui avait une relation fusionnelle avec sa mère, a régressé après son arrivée au Village et peut se montrer très violent envers ses sœurs. Le bébé, Gloria, délaissé par sa mère et dont seule la sœur aînée s’occupait, est très autonome et très en avance dans son développement. Une grande partie du travail éducatif est donc portée sur le dialogue : comment aider chacun à trouver sa place dans cette fratrie ?

Une présence renforcée de la psychologue

Les difficultés d’endormissement et les terreurs nocturnes représentent un véritable défi pour les éducatrices familiales qui se relèvent quatre ou cinq fois par nuit et doivent, malgré cela, être disponibles
pour l’ensemble de la fratrie dans la journée. Face aux difficultés psychologiques de ces enfants meurtris, la psychologue du Village a été très présente dès les premières semaines. Elle a fait le lien avec les psychologues et pédopsychiatres qui assuraient leur suivi avant leur arrivée, organisé de nouveaux suivis psychomoteurs et ORL notamment. « La psychologue a passé beaucoup de temps avec chacun pour découvrir ses centres d’intérêt et signifier qu’elle était disponible pour eux. » Les enfants l’ont bien compris et ont pris le réflexe de venir lui parler dès qu’il y a un conflit dans la fratrie. La psychologue accompagne également l’équipe éducative qui, au détour des conversations entre les enfants, entendent des révélations choquantes. Ces enfants ont vécu l’horreur. « Depuis leur arrivée, nous les avons vus évoluer, se poser. Malgré leur début de vie terrible, ces enfants sont rayonnants. C’est un bonheur de les voir et de les accompagner », conclut la chef de service qui tient à souligner la force qui soude cette fratrie.

Pour des raisons de confidentialité la photo et les prénoms des enfants ont été modifiés.