Et si l’autonomie des jeunes adultes sortant de l’Aide sociale à l’enfance dépendait du capital social acquis durant leur enfance et adolescence ? Et si la constitution, l’élargissement et l’enrichissement du capital social, dès le plus jeune âge, amélioraient le quotidien et le vécu du placement tout au long de l’enfance ?
ACTION ENFANCE a mené une recherche-action dans 6 établissements de la Fondation sur le capital social des enfants accueillis au sein de ses Villages d’Enfants et d’Adolescents. L’objectif de la démarche est d’accompagner les enfants et les jeunes dans la construction et l’enrichissement de leur capital, avec la double ambition de produire de la connaissance et de l’utiliser pour définir et mettre en œuvre des actions visant à améliorer le quotidien des enfants et leur situation future.
Les possesseurs de capital social se retrouvent mieux armés pour devenir « autonomes » : à la fois parce qu’ils ont tissé des liens sur lesquels ils peuvent s’appuyer, et parce que ce faisant, ils ont développé leur habileté sociale, leur capacité à aller à la rencontre des autres. Le capital social tel que défini par le sociologue Pierre Bourdieu se caractérise, d’une part, par le fait qu’il ne saurait être considéré indépendamment des capitaux économiques et culturels, puisque ceux-ci s’influencent mutuellement, et, d’autre part, par l’idée que les liens sociaux sont importants en soi, mais aussi par les relations utiles et les profits symboliques qu’ils représentent.
L’objectif de la démarche de recherche action ‘Capital Social’ est d’accompagner les enfants et les jeunes des Villages de la Fondation ACTION ENFANCE dans la construction et l’enrichissement de leur capital, avec la double ambition de produire de la connaissance et d’utiliser cette connaissance pour définir et mettre en œuvre des actions visant à améliorer le quotidien des enfants et leur situation future.
Pour ce rapport, 148 enfants et jeunes de la Fondation, âgés de 3 à 19 ans, ont participé, à travers des entretiens, des questionnaires et des sociogrammes. Le panel était composé de 54,7 % de filles et de 45,3 % de garçons, dont 85,8 % ont des frères et sœurs placés dans l’établissement.
Voici quelques points tirés de cette enquête :
Lorsqu’un enfant accueilli en Village passe une nuit hors de son établissement et hors collectivité, il passe un temps du quotidien dans un environnement non institutionnalisé, avec une personne qui l’accueille chez elle au nom d’un lien de confiance et d’affection, et non par obligation professionnelle. En cela, le nombre de nuits passées hors établissement est considéré comme un indicateur important en matière de capital social.
Au cours de l’année scolaire 2018/2019, 30% des enfants/jeunes n’ont passé aucune nuit hors de l’établissement. 27% enfants/jeunes ont passé au moins 20 nuits hors de l’établissement : le plus souvent dans leur famille lorsque le juge des enfants a accordé aux parents un droit d’hébergement, plus rarement chez des ami(e)s. On observe que 57,7 % des enfants dont les parents n’ont pas de droit d’hébergement n’ont passé aucune nuit hors de l’établissement.
48 % des enfants et jeunes ne peuvent compter sur aucun ou seulement sur un adulte.
Cette question interroge la présence, dans le réseau de chaque enfant ou jeune, d’au moins un adulte avec lequel le lien n’est pas structurellement lié à la situation de placement. Repérer des personnes autres que les parents ou les professionnels de l’établissement sur qui l’enfant peut compter permet d’anticiper le moment où les jeunes quitteront l’établissement et donne une indication sur l’autonomie de chacun.
Les amitiés entre enfants et entre jeunes sont l’un des marqueurs majeurs de socialisation. Elles se font souvent dans les interstices que sont les récréations ou encore le chemin entre l’école et la maison. 48 % des enfants/ jeunes rentrent seuls de leur établissement scolaire. Les enfants/jeunes effectuent des activités qui leur permettent de s’ouvrir au monde et créer du lien social. 66,7% des jeunes enquêtés participent à des activités extrascolaires.
Au collège, c’était important, je revenais seul du collège, et donc je passais chez un ami. J’allais chez lui. On prenait le goûter et on jouait aux jeux vidéo. Je connaissais sa famille, avec qui je m’entendais bien. Je m’entends toujours d’ailleurs, on a passé le jour de l’an ensemble.
À partir de 12 ans, 85 % des jeunes des Villages ont un téléphone portable. Le fait d’avoir accès aux réseaux sociaux augmente les chances de maintenir des liens avec des pairs et adultes hors de l’établissement.
En moyenne, les enfants/jeunes citent 17 personnes « importantes pour eux » dans les sociogrammes réalisés avec leurs éducateurs, et font ressortir en moyenne quatre groupes d’appartenance (dont en général l’école, la famille, et l’établissement).
Les entretiens permettent d’apprécier l’habilité sociale des enfants/ jeunes. Certains indicateurs apparaissent plus particulièrement déterminants pour apprécier la capacité des jeunes à produire du capital social et le niveau de risque d’isolement auquel ils font face. A travers cette enquête, il est possible de percevoir les enfants et les jeunes les plus isolés et ceux qui sont le plus entourés.
Cette première phase du rapport objective le capital social des enfants et des jeunes accueillis au sein d’ACTION ENFANCE. Cela permet ainsi de faire émerger des actions visant à accompagner à l’acquisition du capital social et d’en évaluer les effets. Cette démarche de recherche se poursuivra sur plusieurs années afin de suivre l’évolution et les trajectoires des enfants et des jeunes interrogés.