Retour sur la loi du 7 février 2022, avec Adrien Taquet, ancien secrétaire d’État en charge de l’enfance et des familles (2019 – 2022), administrateur de l’Unicef.
Comment est née la loi Taquet du 7 février 2022 ?
Cette loi est la dernière étape de la politique que nous avons élaborée pendant trois ans. La stratégie nationale de prévention et de Protection de l’enfance qui s’est traduite par une contractualisation avec les Départements en était la première avancée. Elle visait notamment la construction de 600 places supplémentaires dans des villages d’enfants, ce qui a très bien fonctionné à en juger par le nombre d’appels à projet qui affluent dans l’Hexagone. Un travail réglementaire a été réalisé avec la Haute Autorité de Santé dans le but d’harmoniser, dans un guide applicable à l’échelle nationale, les pratiques d’évaluation des situations de danger. Enfin, il y a eu un important volet de négociation avec les syndicats et associations représentant les assistants familiaux, leurs employeurs privés et les Départements sur la question du statut d’assistant familial. In fine, la loi du 7 février 2022 comporte les mesures d’ordre législatif de cette stratégie globale, qui vise à améliorer la protection des enfants avant, pendant et après le placement et à favoriser le maintien de liens d’attachement.
Qu’est-ce que cette loi a permis de faire évoluer dans la prise en charge des enfants à protéger ?
Il y a quelques mesures phares dans cette loi qui constituent de réelles avancées. Je citerai en premier lieu, le contrôle des antécédents judiciaires de toutes les personnes – professionnels ou bénévoles – au contact des enfants ainsi que la création d’un fichier national des assistants familiaux qui doit empêcher qu’une famille d’accueil, dont l’agrément a été retiré dans un département, puisse exercer dans un autre. La mise en place de dispositifs de contrôle des établissements et de plans de sécurisation des enfants participe de la même volonté de renforcer la sécurité des dispositifs d’accueil. La loi veille aussi à une meilleure prise en compte de la parole de l’enfant.
Cette loi œuvre également pour une meilleure préparation à l’autonomie. En repoussant de 18 à 21 ans l’accompagnement des enfants et en créant un droit au retour dans l’institution, la loi contribue à sécuriser les parcours des anciens enfants protégés. Travaillé dès l’âge de 16 ans, le projet pour l’autonomie doit apporter des solutions concrètes sur les volets logement, éducation, insertion professionnelle, garantir un subside minimum et maintenir un soutien éducatif après le placement.
Cela concourt à éviter les sorties non préparées, encore trop fréquentes.
Comment la notion d’attachement s’inscrit-elle dans la loi ?
Toute personne se construit en s’appuyant sur des liens d’attachement multiples. C’est ce qui forge chacun de nous. Quand le lien avec les parents est abîmé ou rompu, la recherche d’un tiers de confiance peut permettre d’éviter le placement. Pendant le placement, les équipes éducatives doivent s’efforcer de multiplier les liens que l’enfant peut nouer. C’est la raison majeure pour laquelle la loi rend obligatoire le placement en fratrie et le parrainage ou le mentorat pour tous. L’obligation pour les associations et institutions de maintenir un lien avec le jeune, après sa sortie s’il le souhaite, est également réaffirmée*.
La loi de 2022 est-elle correctement mise en œuvre ?
Sur un certain nombre de points évoqués ci-dessus, la loi donne une direction, mais il faut comprendre que du temps est nécessaire pour que les choses se déploient, irriguent et infusent les pratiques professionnelles. Prenons l’exemple du tiers de confiance.
Cette disposition a un vrai effet transformatif mais elle ne va pas être intégrée instantanément dans la pratique. En revanche, il est inadmissible que certains décrets d’application ne soient pas encore adoptés, à l’instar du décret sur les taux d’encadrement : la Protection de l’enfance est la seule à ne pas avoir de seuils minimaux en la matière.
Cette loi, qui s’inscrit dans la continuité des lois de 2007 et 2016, n’est probablement pas parfaite mais elle va plus loin et les complète. L’heure n’est certainement pas à une nouvelle loi mais à faire en sorte que les lois qui ont été votées s’appliquent.
Quel regard portez-vous sur ACTION ENFANCE ?
Le modèle des villages d’enfants est au croisement de ce que le meilleur de la famille et de la vie en collectivité peuvent apporter. Il m’a fortement inspiré, tout comme j’avais été très intéressé par la mise en place d’ACTION+ et le maintien inconditionnel du lien après le placement. Je pense qu’« ACTION ENFANCE fait son cinéma » est une belle initiative.
Très souvent, dans la pensée collective et la parole publique, le droit à la culture et aux loisirs vient après toutes les autres préoccupations. Or ce sont aussi des droits qui font de vous un citoyen plein et entier, quelle que soit votre vulnérabilité.
Cette loi vise à améliorer la protection des enfants – avant, pendant et après le placement – et à favoriser le maintien de liens d’attachement.
*Cette disposition figurait déjà dans le plan de lutte contre la pauvreté.