Pour Lia et Ivanka, accueillies depuis deux ans au Village d’Enfants et d’Adolescents de Sablons en Gironde, il faudra avancer dans la vie sans aucune référence familiale, sans perspective de revoir jamais leur mère. Leur fratrie et ACTION ENFANCE seront leur ciment.
Lia et Ivanka, respectivement âgées de 10 et 7 ans, ont été confiées à la Fondation en septembre 2020, après un premier placement en famille d’accueil. Celui-ci faisait suite à une mesure de placement à domicile organisée par l’Aide sociale à l’enfance alors qu’elles étaient toutes petites. Leur père est décédé l’année de la naissance d’Ivanka. Leur mère était en incapacité de s’occuper de ses enfants. Depuis, elle n’a plus donné de nouvelles. Il est probable qu’elle soit retournée en Roumanie, abandonnant ses trois enfants, les deux fillettes et leur frère aîné, Abel. “Les recherches entreprises par l’Ambassade n’ont pour le moment pas abouti“, commente Corinne Raspiller, éducatrice familiale.
Face à cette situation, l’inspectrice de l’Aide sociale en charge de la fratrie a saisi le juge des enfants, qui a prononcé le délaissement parental en mars 2021. “Nous étions présentes lorsque l’inspectrice a fait part aux enfants de cette décision. Elle leur a expliqué avec beaucoup de délicatesse que leur maman les avait confiés au Département parce qu’elle n’avait pas la capacité de s’occuper d’eux. Les enfants étaient effondrés. Ils pleuraient. Ils comprenaient qu’ils ne reverraient plus leur mère. C’était un moment très dur !“, raconte Marie Rieublanc, éducatrice familiale.
Pour Lia, qui faisait des colères très violentes pouvant la mettre en danger, apprendre cette décision du juge a finalement été positif. Comprenant qu’elle resterait probablement au Village jusqu’à sa majorité, elle a pu commencer à avancer et à se projeter. “Nous le voyons au quotidien. Avoir des réponses l’a apaisée, même si elle a encore quelquefois du mal à gérer ses émotions. À l’école, elle a fait des progrès extraordinaires qui surprennent sa maîtresse“, poursuit-elle. En CE2 dans une classe Ulis (1), Lia a appris à lire et compter en un an, alors qu’elle était totalement bloquée. Ivanka, qui avait 5 ans lors de l’annonce du délaissement parental, n’a certainement pas compris la portée de cette décision sur le moment. Aujourd’hui, elle commence à faire ce chemin. “Mais cela reste compliqué pour elle de concevoir que son père n’est plus de ce monde et qu’elle ne reverra probablement plus jamais sa mère“, note Corinne Raspiller. Pour leur permettre de créer des liens avec des adultes autres que les équipes éducatives qui prennent soin d’elles, une démarche de parrainage est en cours. “Elles sont très impatientes que cela aboutisse”, commente-t-elle.
Lors de leur arrivée au Village, les deux fillettes avaient été accueillies dans deux maisons différentes. “Leur placement en famille d’accueil ne s’était pas très bien passé pour Lia, qui souffrait de souvenirs de maltraitance. Il y avait beaucoup de tension entre les deux sœurs“, restitue Marie Rieublanc. Quelques mois plus tard, elles ont pu être réunies dans la même maison, mais elles manifestaient peu d’intérêt l’une pour l’autre. “Ce n’est que maintenant, qu’elles commencent à se rapprocher.” Abel, placé en foyer après son séjour en famille d’accueil, a rejoint le Village à la rentrée. Pour retisser les liens, des temps partagés sont déjà organisés.
« Si les parents sont titulaires de droits découlant de l’autorité parentale, ils ont également des devoirs envers leur enfant. Dans le cas où les parents se désintéressent manifestement de leurs enfants, ce qui est très précis aux yeux de la loi, le délaissement parental peut être prononcé. Parmi les conditions : ne pas avoir entretenu avec l’enfant les relations nécessaires à son éducation et son développement depuis au moins un an ou l’avoir consciemment abandonné. Ce jugement de délaissement est indispensable dans ces situations, car il permet à l’enfant de se projeter et ouvre la voie de l’adoption. » – Sandra Macé, directrice du Village d’Enfants et d’Adolescents d’Amilly, membre de la Commission d’examen des situations et des statuts des enfants confiés (CESSEC) du Loiret
(1) Les classes Ulis sont dédiées à la scolarisation d’élèves en situation de handicap.