La Fondation ACTION ENFANCE nourrit une ambition scolaire pour chacun des enfants et des jeunes qu’elle accueille. Au-delà de la notion de réussite scolaire, c’est l’accompagnement vers un projet professionnel réaliste et l’épanouissement dans une vie autonome qui anime les équipes.
Les enfants accompagnés au titre de la Protection de l’enfance sont plus nombreux à être en difficulté scolaire ou en risque de difficulté scolaire que les autres élèves de leur âge. À l’entrée au collège, 60 % des enfants placés ont redoublé au moins une fois, contre moins de 20 % en population générale.
À 18 ans, 25 % des jeunes protégés n’ont aucun diplôme1. La Haute Autorité de santé pointe, pour sa part, le risque de déscolarisation accru par les ruptures de parcours, avec, notamment, un risque particulièrement fort lors de la première année de placement et à chaque nouvelle orientation, mais aussi à des moments clés tels que les audiences auprès du juge ou les séparations d’avec leurs parents2. Consciente que le placement et les incertitudes liées à leur situation peuvent rendre les enfants qu’elle accueille indisponibles aux apprentissages, tant d’un point de vue cognitif qu’émotionnel, la Fondation ACTION ENFANCE a toujours placé la scolarisation et la préparation d’un avenir professionnel au centre de ses préoccupations. Ses orientations stratégiques 2019-2023 rappellent qu’elle souhaite « favoriser pour chaque enfant et chaque jeune l’engagement dans un parcours scolaire et un projet professionnel ambitieux, réaliste et adapté au marché du travail ». « Avec ce double enjeu que l’école est aussi un lieu essentiel de socialisation », relève Sophie Perrier, directrice adjointe de la direction Innovation, appui et qualité d’ACTION ENFANCE.
Ainsi, tous les enfants accueillis dans les Villages d’Enfants et d’Adolescents sont, sauf rares exceptions, inscrits dans un établissement scolaire ou un centre de formation. La scolarité fait partie du quotidien des maisons. Une formation sur le sujet est proposée aux éducateurs familiaux. « L’objectif n’est pas de les transformer en super professeurs ou en experts de l’orientation. Mais d’approfondir avec eux ce que veut dire être soucieux de la scolarité des enfants et des adolescents qu’ils accompagnent, s’intéresser à ce qui se passe à l’école, connaître les enseignants, ritualiser les devoirs, trouver les bons relais pour aider les enfants dans leur scolarité », indique Vincent Trugeon, responsable projets éducatifs à la direction Innovation, appui et qualité de la Fondation. La question de l’aide aux devoirs cristallise parfois les tensions, car certains éducateurs ne se sentent pas à l’aise avec telle ou telle matière. « Ce que nous prônons, c’est un accompagnement scolaire. Ce n’est ni du soutien scolaire, ni du rattrapage, c’est encourager à travailler, c’est mettre l’enfant en confiance, lui permettre d’être acteur de ses apprentissages », poursuit-il.
Certaines équipes éducatives se saisissent pleinement du sujet de l’aide aux devoirs, comme au Village d’Enfants et d’Adolescents de Villabé, où une expérience a été menée en 2018-2019 avec succès auprès d’enfants de 8 à 13 ans présentant d’importantes difficultés scolaires. L’idée ? Leur faire faire les devoirs ailleurs que dans leur maison, où la présence d’autres enfants les empêche de se concentrer. Le lieu ? Une salle dans la grande maison du Village où ils se retrouvaient en très petit nombre, avec une éducatrice. Le résultat ? Des enfants qui ne manquaient pas un rendez-vous et terminaient leurs devoirs en 20 minutes. « Dans cette forme d’aide aux devoirs, l’enfant est acteur de son temps de travail. C’est extrêmement productif et cela contribue à apaiser les relations entre enfants et adultes », indique Maryline Marière, éducatrice d’appui à l’origine de cette initiative. Du soutien scolaire est par ailleurs assuré dans la quasi-totalité des établissements par des intervenants bénévoles ou relevant d’un organisme spécialisé. « Les intervenants sont très bien repérés par les enfants. Ils ont une relation à l’enfant qui dépasse le simple accompagnement scolaire et sont un vrai relais dans l’éducation », note Sophie Perrier.
Pour les jeunes, rien n’est impossible en termes de choix d’orientation d’établissement. Tout leur est ouvert si cela correspond à leur désir et à leurs capacités. C’est une grande chance qu’offre la Fondation.
Au Village d’Enfants et d’Adolescents de Bar-le-Duc, cette priorité donnée à la scolarité est très concrète. « Avec le Conseil départemental, il est entendu que nous travaillons dans la durée. Les enfants qui nous sont confiés ont moins de 10 ans lorsqu’ils arrivent », indique Céline René, chef de service. Ils sont d’abord accueillis dans des maisons par fratrie, afin de consolider les relations entre frères et sœurs. « Pendant cette période maternelle et primaire, nous sommes dans l’observation, pour savoir où ils en sont en termes de maturité sociale et intellectuelle, sans formuler d’exigence scolaire à leur égard. » À partir du collège, entre la classe de sixième et de quatrième, selon les situations, ils sont accueillis dans une maison d’adolescents. La démarche est alors différente : le travail est centré sur la vie du jeune, sa scolarité, son projet d’autonomie et sa sortie. Même si, bien sûr, frères et sœurs continuent à se voir très régulièrement.
« Quand je suis arrivée au Village, il y a huit ans, beaucoup d’enfants quittaient l’établissement sans avoir achevé leur scolarité. En préparant ensemble très tôt l’orientation de chacun, cela permet de s’autoriser éventuellement une année d’indécision ou de réflexion… mais guère plus, car l’horloge tourne » , témoigne Céline René. De façon très pragmatique, les équipes soutiennent les jeunes dans leur découverte des domaines professionnels qui pourraient les intéresser, en favorisant les stages. « Cela nécessite de négocier avec l’Éducation nationale pour obtenir ces stages, mais c’est très profitable aux enfants, car cela les aide à trouver leur voie. Cette approche est très bénéfique aussi pour les enfants plus jeunes, qui voient combien l’équipe s’investit, pour de vrais résultats ». D’où la devise du Village d’Enfants et d’Adolescents de Bar-le-Duc : « Un diplôme, une qualification, un permis de conduire… et tu peux faire le tour du monde ».
Passer un examen nécessite de la préparation afin de réviser les matières clés, mais aussi de prendre confiance en soi. Pour les jeunes qui passent le brevet des collèges, un BEP ou un CAP, ACTION ENFANCE a conçu un stage de préparation d’une semaine. Son originalité est de mêler révisions et remise à niveau dans les matières fondamentales ainsi que le développement de « soft skills » ou compétences comportementales.
Les deux intervenants sont enseignants de l’Éducation nationale, l’un est également psychologue, l’autre coach. Les stages organisés à la Châtellenie, un des sites tourangeaux de la Fondation, prévoient que les après-midi soient consacrés à des activités sportives, artistiques ou culturelles. Ce projet de stage de préparation à l’examen a été retenu dans le cadre d’un appel d’offres lancé par le ministère de la Santé. La première session devait se dérouler en juin 2020 ; la crise sanitaire en a décidé autrement. Pour honorer la subvention du ministère, une session sera programmée aux vacances de la Toussaint 2021. L’ambition est de proposer deux sessions par an : l’une en début d’année scolaire, l’autre avant les examens.
Soutenir chaque enfant et chaque jeune dans son parcours scolaire afin de l’accompagner au mieux dans le choix d’un projet professionnel ambitieux représente un réel investissement de la part de la Fondation comme des équipes éducatives. Pour ACTION ENFANCE, il n’y a pas de déterminisme. Cela veut dire ne rien s’interdire ; pouvoir autant encourager un jeune à suivre une filière classique et accéder à des études supérieures s’il en a l’envie et les capacités, comme aider un autre, moins à l’aise avec les études, à faire le choix de l’orientation professionnelle qui lui plaît réellement. « La plupart des jeunes sont démunis lorsque nous leur posons la question de leur futur métier. Le risque est de décider pour eux ou de leur proposer des choix trop restreints. On se doit de les écouter et de les orienter, mais surtout de ne pas les juger ni de leur imposer notre vision. Pour cela, il faut être disponible et cohérent, savoir les diriger vers les bonnes organisations », estime Virginie Baudru, référente ACTION+ dans l’Essonne. En clair, les rendre acteurs de leurs choix. « Nous faisons notre maximum pour que les jeunes puissent intégrer la voie qu’ils choisissent, renchérit Rhida Bouzidi, chef de service de la maison des adolescents du Village de Villabé. Nous avons un mode d’accueil de type familial, ce qui est un grand avantage par rapport à l’ambition de la Fondation. Comme dans une famille, nous veillons à ce que les jeunes aient les bonnes informations pour leur orientation, nous nous occupons avec eux des inscriptions dans les établissements. Nous veillons aussi à ce que les choix ne soient pas influencés par un camarade ou leurs parents, mais que ce soit bien le leur. Grâce à cet accompagnement très rapproché, nous avons peu de décrocheurs. Bien moins qu’en MECS, où je travaillais précédemment ; les conditions ne permettaient pas ce soutien individuel ». Selon lui, la proximité de leurs frères et sœurs, a présence bienveillante des éducateurs familiaux, le fait que les jeunes puissent ne penser qu’à leur avenir, est structurant dans leur manière d’appréhender leurs études ou la préparation d’un métier.
En rendant possible la prolongation d’études ou d’une formation qualifiante après 18 ans, ACTION+ est l’un des piliers de cette ambition scolaire. « La Fondation a la volonté d’accompagner les jeunes dans leurs projets d’études, mais ils ne se laissent pas toujours la possibilité d’avoir de l’ambition, regrette Virginie Baudru. Ils sont préoccupés par le court terme. Ceux qui sont en apprentissage arrivent à envisager plus sereinement la poursuite de leurs études, car ils ont déjà une situation salariale. Pour les autres, l’autonomie financière doit venir très vite, surtout s’il s’agit d’anciens mineurs non accompagnés. »
Virginie cite l’exemple d’Awa qui effectuait ses années de lycée en internat à l’Académie de football de Bougival. À ses 18 ans, alors qu’il termine son année de première, le soutien financier de l’ASE s’arrête de par la fin de son Contrat jeune majeur. « Pour Awa c’était le rêve de devenir footballeur professionnel qui s’écroulait. Il a fallu réagir très vite pour lui trouver un toit, lui allouer de quoi se nourrir et l’inscrire rapidement dans un cursus scolaire ordinaire afin qu’il finalise son bac. Parallèlement, des démarches pour obtenir un titre de séjour et ouvrir ses droits aux prestations sociales ont été menées. Nous avons pu alors travailler autour de son projet professionnel en échangeant longuement avec lui et nous documentant auprès d’organismes d’orientation variés. C’est le métier d’éducateur sportif dans le domaine du football qui lui correspondait le mieux. Une formation et son financement ont été planifiés et c’est un Awa remobilisé qui s’est investi autour de son insertion ! »
Cette situation est révélatrice de l’engagement des référents ACTION+ auprès des jeunes pour qu’ils puissent poursuivre des études et obtenir un diplôme reconnu. Au quotidien, les référents accompagnent beaucoup les jeunes dans leurs recherches de bourses, de logement, de stages et d’alternances. Sur ce dernier point, de plus en plus de fondations d’entreprises manifestent leur intérêt pour prendre en formation des jeunes issus de la Protection de l’enfance. Une chance pour eux.
Dans ma vision des choses, je n’avais pas trop le choix, il fallait que je réussisse ma scolarité. Je suis arrivé à me concentrer sur mes études une fois placé au Foyer du Phare à Mennecy, où je suis resté de la 4e à la terminale. C’est là que j’ai trouvé de la stabilité. J’ai fait des recherches et j’ai vu que cela m’intéressait vraiment. Au début, Mme Baudru, ma référente ACTION+, m’a beaucoup aidé. Elle répondait à toutes mes questions, surtout d’ordre administratif. Maintenant, je vis à Paris, je me focalise sur mes études et m’en sors bien. Mais je sais que je peux l’appeler si besoin.
1Stratégie nationale de prévention et de protection de l’enfance 2020-2022.
2 Note de cadrage des bonnes pratiques professionnelles sur la scolarité – Haute autorité de santé.