La confiance, le dialogue, l’ouverture, l’engagement et la cohésion sont les cinq valeurs choisies par les collaborateurs de la Fondation. Elles incarnent la manière de travailler ensemble chez ACTION ENFANCE. Durant la période de crise sanitaire du Covid-19, cet esprit de collaboration a pris tout son sens. Retour sur une démarche engagée début 2018.
À la question « Quelles sont les cinq valeurs collaboratives que nous devons adopter pour travailler ensemble ? », 200 salariés de la Fondation, toutes fonctions et tous établissements confondus, ont désigné sans ambiguïté la confiance, le dialogue, l’ouverture, l’engagement et la cohésion parmi une suggestion de vingt mots clés.
« L’enjeu est important : il s’agit d’amorcer un changement culturel en sortant d’un management fondé sur la prescription du travail et la verticalité des relations managériales, pour aller vers davantage de collaboration, d’autonomie et de responsabilité des acteurs, note François Vacherat, directeur général d’ACTION ENFANCE. Pour ce faire, il nous semblait indispensable de fédérer les professionnels de la Fondation autour de valeurs et d’un projet collaboratif. Et de les penser collectivement. »
Pour que chacun donne un même sens à ces valeurs choisies, deux sessions de réflexion ont été organisées avec une cinquantaine de volontaires. Les participants – éducateurs, agents de service, directeurs, chefs de service, salariés du siège – avaient pour mission de s’accorder sur une définition qui parle à tous. « Notre conviction est que chaque personne, quels que soient son métier et ses responsabilités au sein de notre organisation, est légitime à proposer et à aider à mettre en place des actions concrètes pour les faire vivre », reprend François Vacherat. Certaines de ces actions et des mécanismes de collaboration, en cohérence avec la manière d’être ou de faire ensemble au bénéfice des enfants, étaient déjà bien installés. La démarche en est le révélateur. Si les valeurs et leur définition sont bien comprises, les pratiques collaboratives peuvent être différentes d’un établissement à l’autre. « Il n’est pas question de les imposer mais de donner des repères, des points de réflexion, d’inspiration », précise Boris Papin, directeur des ressources humaines.
Pour aider à la diffusion de ces valeurs dans l’institution, trois questions ont été posées aux équipes de direction des établissements puis à l’ensemble des collaborateurs, à l’occasion de réunions de sensibilisation : est-ce que j’y adhère ?, est-ce que je crois qu’elles sont applicables ?, est-ce facile ? Si l’adhésion est quasi unanime parmi les personnes qui ont participé à ces formations, des réserves ont été exprimées notamment sur la facilité à mettre en œuvre ces valeurs, rappelant ainsi que ce changement de culture managériale ne peut se faire du jour au lendemain.« La confiance ne s’accorde pas à la légère. Pour les professionnels, faire confiance, c’est aussi, parfois, se mettre en danger. Cela crée des résistances, note Marianne Odjo, directrice du Foyer d’Adolescents du Phare. Quant au dialogue et à la cohésion, tout le monde veut y croire, mais ce n’est pas simple dans le quotidien. » Comment alors passer de l’énoncé de valeurs à la mise en pratique ? « C’est d’abord à nous, les cadres, de les incarner dans notre fonctionnement quotidien. Incarner le dialogue avec nos collaborateurs, l’ouverture d’esprit en délaissant le management vertical et directif. Le cabinet qui nous accompagne insiste beaucoup sur la nécessité de mettre en place un management collaboratif, d’être dans la coresponsabilité, la codécision. »
Pour irriguer les valeurs collaboratives parmi les équipes, un appel à volontaires a été lancé dans chaque établissement. « Nous pouvons compter sur des salariés qui ont envie de porter ce projet et de le faire grandir. Ils constituent la communauté des valeurs, ouverte à tous sans notion de hiérarchie », souligne Valeria Biggio, responsable du pôle Parcours et Compétences, qui pilote ce projet depuis son lancement en 2018. « Nous sommes les représentants des valeurs au sein de nos établissements respectifs », confirme Alexandre Gilles, éducateur spécialisé à Bar-le-Duc, qui a placé l’affiche des valeurs dans le bureau des éducateurs. Béatrice Taveau, éducatrice au Service d’accompagnement renforcé d’Amboise, prend ce rôle d’ambassadeur très au sérieux. « J’ai imaginé des ateliers d’une heure trente, car je me suis aperçue que chaque personne, en fonction de son expérience ou de son état émotionnel, avait sa propre définition des valeurs malgré la petite phrase qui la précise. Après un premier atelier sur le diagnostic de nos émotions, nous avons prévu de travailler chaque valeur en profondeur par le biais du théâtre. Jouer aide à mieux comprendre et à s’imprégner de ces valeurs qui englobent bien notre mode d’accompagnement. »
La communauté des valeurs sert également de « bourse aux idées », permettant d’échanger sur ce que les uns et les autres mettent en place et de les diffuser dans les établissements. « La communauté s’est réunie deux fois avant le confinement, c’est d’une grande richesse !, souligne Nathalie Agamis, directrice du Village d’Enfants de Villabé et co-animatrice de la communauté des valeurs avec Marianne Odjo. Cela permet d’identifier les bonnes pratiques des établissements. Elles seront compilées dans le guide Re-Pairs qui est un recueil de fiches sur les thèmes du déploiement, de l’appropriation et de l’incarnation des valeurs. Les collègues peuvent voir ce qui existe pour s’en inspirer et prendre contact avec l’auteur de la fiche s’ils le souhaitent. Il faut aussi savoir valoriser l’investissement des équipes, en se référant aux valeurs. »
Cette réflexion sur le management et la manière de travailler ensemble est une première au sein de la Fondation qui a toujours, jusque-là, consacré son intelligence et son action au bénéfice des enfants et des jeunes qu’elle accueille. Il était important aussi de travailler sur notre manière d’être et de faire ensemble en tant que professionnels.
Durant la pandémie que nous venons de vivre, les valeurs collaboratives ont pris tout leur sens et se sont exprimées par une coopération et une solidarité renforcées. Du fait du confinement, tous les enfants étaient présents dans les établissements 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. En plus de l’accompagnement quotidien, les équipes ont dû prendre en charge le suivi scolaire… et se renouveler dans les activités proposées. « Il a fallu travailler différemment, nous entendre sur une nouvelle organisation et montrer encore plus de cohésion : tous les plannings ont été revus », souligne Alexandre Gilles, qui, comme plusieurs de ses collègues, s’est porté volontaire pour rester confiné au Village avec les enfants. « On s’est serré les coudes, même si le confinement était aussi pesant pour nous. Nous nous parlions entre adultes par la fenêtre ou par téléphone. Certains collègues, qui s’étaient moins intéressés à la démarche, ont constaté que ces cinq valeurs n’avaient pas été choisies au hasard. Elles ont été omniprésentes pendant le confinement », poursuit-il. Faire corps ensemble pour que les enfants et les jeunes n’aient pas face à eux différents discours, différentes attitudes a été plus important que jamais.
Les enfants ont bien compris la gravité de la situation et l’organisation spécifique qu’elle impliquait.« Ils se sont adaptés eux aussi et ont été plutôt posés, note Camille Pérez, chef de service à La Boisserelle. « Ils étaient aussi moins énervés, moins fatigués, ils se sont entraidés pour faire leurs devoirs. Trois d’entre eux ont même réalisé d’énormes progrès scolaires », relève Nathalie Agamis. Des équipes de direction aux éducateurs familiaux, en passant par les psychologues, les infirmières, les comptables, les secrétaires, les agents de service et les techniciens de maintenance, tout le monde s’est fortement mobilisé. Les éducateurs se sont coordonnés pour organiser des tours de sortie par maisonnée dans les jardins des Villages. L’entraide a été très forte au sein des personnels éducatifs. Pour eux, il ne fait aucun doute que la cohésion d’équipe a eu un impact favorable sur les enfants. « Depuis que nous avons commencé à travailler sur les valeurs collaboratives, nous sentons un effet positif dans la relation avec les enfants. Lorsqu’ils sentent face à eux une équipe unie et alignée dans ses principes, les enfants sont en confiance », note Béatrice Taveau. « Ce sont des moments comme ceux que nous avons vécus pendant la crise sanitaire qui révèlent l’engagement mais aussi la confiance entre les membres de l’équipe comme envers la direction », conclut Nathalie Agamis
Retrouvez l’article complet dans notre magazine Grandir Ensemble n°106, p.4